Modification à la Loi sur les normes du travail : à quoi faut-il s’attendre ?
- Non classé
Depuis son entrée en vigueur à la fin des années 70, la Loi sur les normes du travail a fait l’objet de plusieurs modifications, sans toutefois être révisée en profondeur. Au fil des ans, le législateur y a incorporé des dispositions portant sur les congés de maternité, de paternité et congés parentaux (1990), sur les absences pour obligations familiales (2002) et sur le harcèlement psychologique (2002), entre autres.
Le 20 mars dernier, la ministre du Travail a annoncé une modernisation importante à la Loi sur les normes du travail, qui vise notamment à offrir plus de souplesse aux salariés afin de leur offrir une meilleure qualité de vie et de faciliter la conciliation travail-famille – vie personnelle.
Si le projet de modification à la loi est adopté sans changements, cela impliquerait que :
- un salarié se voit accorder une 3e semaine de vacances (en continu), rémunérée, après trois (3) années de service continu au sein de la même entreprise, ce droit n’étant présentement acquis qu’après cinq (5) ans de service continu.
- le salarié bénéficie de deux (2) journées d’absence rémunérées pour accomplir des obligations liées à sa famille (ou s’il s’absente pour des raisons médicales), alors qu’à l’heure actuelle, toutes ces journées d’absence sont prises aux frais du salarié.
- La portée des absences pour obligations familiales serait également étendue, afin d’inclure plusieurs membres de la famille élargie d’un salarié et ceux dont il est un proche aidant, reflétant ainsi davantage la réalité sociale québécoise.
Une telle modification emportera nécessairement des conséquences pour les employeurs dont les salariés sont régis par les conditions minimales prévues à la loi, notamment en augmentant leurs coûts de main-d’œuvre et en augmentant leurs besoins de remplacement de « dernière minute ».
- Un salarié bénéficie d’un droit de refuser de travailler s’il n’a pas été avisé au moins cinq (5) jours à l’avance du fait qu’il devrait travailler, et du droit de refuser de faire plus de deux (2) heures supplémentaires à la fin ou au début d’une journée de travail s’il n’en a pas été avisé au préalable.
Cette latitude donnée au salarié lui permettra de mieux concilier famille, vie et travail, notamment en limitant les imprévus professionnels, mais rendra la tâche parfois difficile à l’employeur, qui devra être en mesure de prévoir ses besoins de personnel à l’avance, et avec précision, dans un contexte où, comme mentionné plus haut, le législateur accordera aux salariés le droit à des congés rémunérés additionnels. N’oublions pas en effet que les absences pour obligations familiales sont généralement des absences imprévues et de dernière minute.
L’employeur n’est pas en reste, le projet de loi lui offrant une plus grande flexibilité au niveau des horaires de travail, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de plein emploi. Ainsi, l’étalement des heures de travail sera facilité du fait que, sauf circonstances particulières, l’employeur n’aura plus à obtenir l’autorisation de la CNESST pour implanter un horaire comportant un étalement des heures de travail sur une base autre qu’hebdomadaire. L’employeur pourra également accorder un congé compensatoire au salarié qui n’est pas programmé un jour férié plutôt que de le rémunérer.
Dans un tout autre ordre d’idée, le projet d’amendement à la Loi prévoit l’ajout d’une disposition interdisant aux agences de placement de personnel de verser aux salariés qu’elles placent chez un employeur un salaire moindre que celui que l’employeur verse à ses propres salariés pour le même travail. De telles agences devront également désormais détenir un permis de la CNESST.
Pour plusieurs agences de placement de personnel, cette interdiction entraînera une augmentation parfois importante de leurs coûts de placement, qu’elles n’auront d’autre choix que de refiler à leurs clients, employeurs utilisateurs de tels services.
Cette interdiction de verser un salaire moindre s’appliquera aussi aux travailleurs étrangers temporaires et aux agences qui recrutent des travailleurs temporaires étrangers.
En réponse au mouvement #moiaussi, le projet d’amendement à la loi confirme la jurisprudence qui a, depuis longtemps, reconnu que le harcèlement sexuel fait partie intégrante du harcèlement psychologique. Il entérine par ailleurs le courant mis de l’avant depuis le jour 1 de l’adoption des dispositions relatives au harcèlement psychologique, en 2004, en imposant à l’employeur l’obligation de se doter d’une politique de prévention et de traitement des plaintes de harcèlement et de la rendre disponible à l’ensemble de ses employés.
Finalement, la portée des dispositions interdisant les disparités de traitement dans l’entreprise est étendue afin d’assurer une meilleure équité tant entre salariés qu’entre générations, exclusion faite des disparités existantes au moment de l’entrée en vigueur de la loi.
Présenté comme une modernisation majeure de la loi, le projet d’amendement s’avère loin de pouvoir être qualifié de révolution, mais constitue certes une mise à jour nécessaire de la loi en fonction des réalités du marché de l’emploi actuel et du contexte socio-économique dans lequel évoluent les salariés et les entreprises.